8 mai 2008

La médiation en bibliothèques publiques – définition

« La médiation n’est pas une tâche mais une mission, un tout, une conception transcendantale, un postulat de départ et d’arrivée. »
Abdelwahed Allouche, BBF 2007, N°6


L’un des paradoxes du métier de bibliothécaire est que le développement de l’accès libre aux documents, qui ne requiert plus l’intervention du bibliothécaire pour la délivrance du dit document, nécessite une nouvelle forme d’intervention de la part de celui-ci, une nouvelle relation avec son usager, plus complexe que précédemment, que l’on traduit souvent par un rôle, une mission de médiation.

Il faut tout d’abord distinguer deux nuances importantes dans la définition de la médiation.

La première consisterait à dire que la médiation est l’action qui consiste à construire un lien entre un sujet et un objet, à faciliter l’accès de A vers B, ou dans notre contexte, de l’usager aux collections. Le bibliothécaire est l’intermédiaire entre l’usager et ses besoins d’une part, les collections et les outils permettant d’y accéder d’autre part.
C’est cette notion qui est principalement développée dans les référentiels métier ; celui du CNFPT associe à cette mission de « médiation documentaire » les activités suivantes ; conseiller, orienter, diffuser l’information, former l’usager.

La seconde nuance à prendre en compte dans le terme médiation concerne un autre rôle, lui aussi de plus en plus dévolu au bibliothécaire, celui de « conciliateur », qui intervient dans un conflit, un litige pour aider les deux parties à trouver une solution, un compromis, un consensus. L’exemple le plus flagrant est celui du médiateur de la République, qui tente de trouver une solution à un litige qui oppose un service public à un usager, avant que ce litige ne se retrouve, faute de solution, devant les tribunaux. On est tenté de penser immédiatement aux conflits qui agitent nos bibliothèques, avec les nouveaux usages ou mésusages de la bibliothèque et de ses services. Ce rôle de conciliateur placerait donc le bibliothécaire dans une position particulièrement inconfortable, puisqu’il interviendrait dans un conflit comme partie opposée (conflit entre l’usager et le bibliothécaire sur le mésusage) et tierce partie (intervenant dans le conflit pour le gérer alors qu’il en est partie prenante). Le bibliothécaire représente l’institution « bibliothèque », et, n’ayant pas (encore) le don d’ubiquité peut difficilement changer de casquette pendant un conflit… De cette contradiction ressort l’idée que le médiateur-conciliateur devrait, dans un monde bibliothéconomique idéal, être sinon extérieur à la bibliothèque, dans tous les cas reconnu comme non-bibliothécaire, comme non-représentant de l’institution avec laquelle le conflit à lieu, mais comme un intervenant distinct ; animateur, éducateur, … Cela veut surtout dire que dans le paysage actuel des bibliothèques, le bibliothécaire doit se passer, sauf exception, de cette conciliation, et doit gérer des conflits, et non pas mener une action de médiation sur ces conflits. La nuance n’est pas anecdotique ! La médiation telle qu’elle a été mise en place dans les bibliothèques municipales de Lyon a répondu à un besoin de résoudre une situation problème : les conflits entre agents et usagers, et a utilisé un recrutement de personnel spécifiquement dédié à la tâche de « conciliation » au sein des structures concernées.

Une forme de conciliation intervient, du moins symboliquement, dans le conflit qui oppose l’usager avec l’accès à l’information ; à ce moment là, le bibliothécaire intervient comme modérateur de conflit, pour trouver un compromis entre les aptitudes et compétences de l’usager et les outils de recherche et de localisation de l’information dans la bibliothèque. Ce qui sous-entend que cette médiation conciliation là se prépare, elle se fait avec l’usager, en « présentiel », mais aussi et surtout en amont, dans la recherche d’outils nouveaux, la mise en ligne du catalogue, la multiplication des accès, etc. L’action menée en amont déterminera la suite, et la médiation directe avec l’usager en sera facilitée.

Je retiendrais donc de cette tentative de définition de la médiation pour le bibliothécaire le rôle de celui-ci en tant qu’intermédiaire entre l’usager et les collections, en laissant, pour qu’il soit traité distinctement, le problème de la gestion de conflit de côté.

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